En fin de guerre, on exigeait des aviateurs un effort considérable dans la fréquence et la portée des missions aériennes. Il ne s'agissait plus, comme aux premières heures de l'aviation, de voler 20 mn à 100 mètres de haut. Il fallait tenir l'air parfois du matin jusqu'au soir, voler la nuit dans la brume et le froid, s'élever jusqu'à 7000 mètres de hauteur et, sans cesser de surveiller un instant la marche de l'appareil, être prêt, physiquement et mentalement, à affronter le combat. Dans ces conditions, l'installation rudimentaire du poste de pilote qui constituait les aéroplanes du début, devenait obsolète. Il convenait d'assurer au pilote une protection plus efficace contre les éléments qui, souvent pour lui, sont tout aussi dangereux que les balles de l'ennemi.
Il fallait, par une installation aussi confortable que possible et par une disposition judicieuse des organes de commande, réduire au minimum la fatigue qu'entraîne pour l'aviateur des missions de plusieurs heures. Ce résultat a été obtenu en améliorant les qualités d'habitabilité des avions en réunissant à portée du pilote une certaine quantité d'instruments de précision qui permettent à l'aviateur de conserver le contrôle permanent de son appareil et du moteur qui l'anime.
Ci-contre une photo d'un cockpit de Voisin 10 qui illustre parfaitement cette page consacrée aux instruments de tableau de bord. Ici l'avion est équipé pour les missions de nuit. De droite à gauche, compte-tours moteur JAEGER, thermomètre température moteur FOURNIER, indicateur de vitesse SAF, inclinomètre CV, altimètre NAUDET, et montre ALLION. La plupart de ces instruments vous sont présentés ci-dessous.
(Photo : Claude Thollon-Pommerol)
L'indicateur d'essence ou jauge à essence fait partie des organes de contrôle de la partie motrice.
Nous vous invitons par ailleurs à consulter la page consacré aux manettes et commandes qui traite également de la partie moteur.
L'indicateur d'essence consiste en un petit flotteur relié à un fil souple enroulé en spirale. Sur la spirale est fixée une aiguille métallique qui se déplace devant un cadran indicateur. Les graduations de ce cadran varient de 0 à un chiffre donné en décalitres, qui est celui de la capacité maximum du réservoir d'essence. Le modèle présenté est une Jauge à carburant du fabricant PARENTHOU et fils, et possède un double système pour 2 réservoirs (un de 0 à 200 L et une nourrice de 0 à 130 L).
Comme nous sommes dans le carburant, nous signalons qu'en fin de guerre, le pilote d'avion avait à sa disposition le moyen d'éviter l'explosion du réservoir d'essence en cas d'incendie à bord. Le dispositif employé consiste en un panneau de déchirure situé sur la partie inférieure du réservoir. Le pilote tire sur ce panneau de déchirure et l'essence est instantanément évacuée du réservoir.
Sur les avions munis de moteurs à refroidissement par eau, il est nécessaire d'utiliser un thermomètre afin de ne jamais laisser la température de l'eau dépasser 80° et descendre en dessous de 40°. En effet, à moins de 40°, les reprises du moteur sont impossibles, et à plus de 80°, on risque de faire éclater les tuyaux de circulation par l'accumulation de vapeur. C'est là un danger permanent auquel il faut veiller avec la plus grande attention si l'on veut éviter des accidents irréparables. De plus, il est reconnu par tous que le refroidissement de l'eau est extrêmement rapide lorsque l'avion descend en vol piqué.
Ci-contre une jauge de température du fabricant FOURNIER.
Son emploi est très simple : un petit tube de cuivre rempli de mercure à sa partie inférieure, est plongé dans l'eau de circulation. Quand l'eau s'échauffe, le mercure se dilate et la pression de l'air contenu dans le tube agit sur un petit manomètre placé devant les yeux du pilote. L'aiguille du manomètre n'indique pas la pression de l'air à l'intérieur du tube, mais la température de l'eau de circulation, en degrés centigrades.
Dans les organes de contrôle de la partie motrice, le pilote dispose en face de lui d'un compte-tours. C'est un cadran pourvu d'une aiguille et comportant une graduation de 100 à 1500 et sur certains moteurs fixes de 140 et 200 HP, la graduation va jusqu'à 2000 et 2500. On sait que l'aiguille, en s'arrêtant sur l'une de ces graduations, indique le nombre de tours faits par l'arbre du moteur en une minute. L'aviateur est ainsi à même de se rendre compte, à tout instant, de la façon dont tourne son moteur.
A côté des organes de contrôle de la partie motrice, il en est d'autres tout aussi important, mais qui concernent plus spécialement l'exécution propre du raid aérien.
Ce sont le déroule-carte, la boussole, l'altimètre, la montre de bord, etc.
Le contrôle de la hauteur atteinte est assuré par un altimètre. C'est un baromètre à cadran qui diffère des modèles ordinaires en ce sens qu'il a une graduation proportionnelle aux hauteurs, de sorte que la sensibilité est la même sur toute l'étendue de l'échelle. On place généralement l'altimètre dans un étui de cuir, bien en vue du pilote et suspendu à l'avion par 4 ressorts à boudin. L'altitude moyenne des expéditions, qui était de 1500 à 2000 mètres en 1914 est montée à 5000 à 6000 en 1918. La vitesse ascensionnelle, qui était approximativement de 2000 m en 40 mn, est devenue en fin de guerre 5000 m en 35 mn.
La montre de bord est un instrument fort utile au pilote en ce sens qu'elle lui permet, outre de connaître et de noter le moment précis où il découvre chez l'ennemi un mouvement de troupes intéressant, l'instant où il doit abandonner le combat ou interrompre sa mission pour regagner ses lignes parce que sa provision d'essence est sur le point d'être épuisée. La présence de cette montre de bord, qui ne diffère des modèles courants que par ses dimensions plus grandes, a certainement évité bien des pannes d'essence en territoire ennemi. Elle permet aussi au pilote de se rendre compte de la vitesse effective de son appareil par rapport au sol.
Les indicateurs de vitesse ci-dessous sont tous utilisés avec une trompe venturi. Ces instruments servent à calculer la vitesse de l'air (du vent) qui circule dans le venturi et par conséquent donnent la vitesse de vol. Cette mesure est l'anémométrie.
Inclinomètre à liquide du fabricant CV pour la mesure de la pente longitudinale.
Modèle entrée de guerre. Cet appareil est un niveau rendu apériodique par une forme appropriée du verre et la densité du liquide employé. La lecture s'effectue sur une échelle graduée de +20° à -20° et devant laquelle se déplace la colonne liquide.
La boussole employée pendant la guerre est presque toujours montée sur cardan, c'est-à-dire que, quelle que soit l'inclinaison de l'avion dans l'espace, elle demeure horizontale. Elle doit être placée aussi loin que possible du moteur de façon à ne pas être influencée par les masses magnétiques que celui-ci comporte, en particulier par la magnéto. On la place généralement à la partie inférieure de la carlingue, de sorte que le pilote n'a qu'à baisser les yeux pour la consulter facilement. La particularité de la boussole à cardan, destinée à l'aviation, est qu'elle est entièrement noyée dans un vase rempli de glycérine pour la protéger des mouvements trop brusques.
Boussole ou compas de navigation décliné d'avion modèle AM1 du fabricant DE VRIES ET COURBET à Paris et Lyon.
Je n'ai pas de certitude quand à son emploi en temps de guerre mais un plan technique de ce compas provenant de la section technique de l'aéronautique militaire a été édité dans un ouvrage de 1919 consacré à l'aviation militaire pendant la guerre.
Le barographe ou baromètre enregistreur avait en usage en France presque toujours réservé aux épreuves sportives ou à celles du brevet d'aviateur (contrairement aux Allemands qui en avaient un emploi quasi-systématique).
Dans ce cas, l'enregistreur, après avoir été soigneusement scellé, est accroché dans le dos de l'aviateur. La courbe du diagramme obtenu permet de suivre les variations d'altitude de l'appareil et de constater si le pilote a bien atteint la hauteur prescrite.
Le modèle présenté est pour un enregistrement de 0 à 8000m, fabricant Jules Richard. A noter le bouton pressoir qui se trouve en dessous de la poignée servant à faire des repères sur le papier.
Quand il s'agit d'exécuter une mission aérienne d'un peu longue haleine, sur une distance assez grande, l'emploi d'un déroule-carte est absolument indispensable. Même pour un vol de courte durée, à proximité de l'aérodrome, cet instrument est utile. Certains pilotes se contentaient soit par manque de place dans le cockpit, soit par facilité de fixer la carte sur une planchette au moyen de punaises ou élastiques; ils traçaient leur itinéraire à l'avance par un trait rouge bien visible et plaçaient la planchette sur leurs genoux ou ils la fixaient avec des ressorts dans l'habitacle.
Ci-contre, beaucoup plus pratique, un déroule-carte avec poinçon SFA (Service des Fabrications de l'aviation). Il se compose d'une boîte rectangulaire en aluminium, à l'intérieur de laquelle sont 2 petits tubes cylindriques en cuivre, pourvus à chacune de leurs extrémités d'un large bouton molette. La carte s'enroule et se déroule sur ces tubes. Pour la protéger, on la recouvre d'une plaque de mica (ici manquante). La surface du mica est divisée en un certain nombre de petits carrés qui permettent au pilote de situer plus rapidement la position de son avion au dessus du sol. Le déroule-carte repose généralement sur un support en fer fixé lui-même sur l'un des bords de la carlingue.